- ADÉNOVIRUS
- ADÉNOVIRUSDécouverts par Rowe, Huebner et leurs collaborateurs en 1953 et d’abord désignés par le sigle APC (Adenoidal pharyngeal conjonctival agents), les adénovirus sont d’un grand intérêt en raison de leur rôle dans certaines affections respiratoires humaines et surtout de l’activité cancérigène – autrement dit pouvoir oncogène – de plusieurs d’entre eux.Classification et définitionLes adénovirus forment un genre de la famille des Adenoviridae , ordre des Haplovirales, classe des Deoxycubica , sous-embrachement des Deoxyvira , selon les critères de classification proposés par Lwoff, Horne et Tournier en 1962: nature de l’acide nucléique, type de symétrie de la nucléocapside, existence éventuelle d’une enveloppe ou péplos, nombre de triangulation. Ce dernier, symbolisé par T, caractérise l’assemblage des unités structurales protéiques de la capside selon la relation T = Pf2 où f est un entier quelconque. P est appelé nombre de classe; caractérisant le type d’arragement de ces unités capsidiennes, il est de la forme P = h2 + k2 + hk, h et k étant des entiers premiers entre eux.Le tableau montre que, dans le cas des adénovirus, h = 1 et k = 0, donc P = 1. Les Adenoviridae sont des virus à acide désoxyribonucléique (ADN) ayant une nucléocapside à symétrie cubique, dépourvus d’enveloppe et à nombre de triangulation T = 25. L’espèce type de l’unique genre de cette famille est Adenovirus (hominis ) quintus , ou adénovirus du type 5.MorphologieDépourvue d’enveloppe, la particule virale ou virion des adénovirus est par suite uniquement constituée par une nucléocapside (Horne 1959). Le nucléoïde central qui contient l’acide nucléique (ADN) est enfermé dans une capside protéique ayant la forme d’un icosaèdre régulier (fig. 1) qui est issu de l’assemblage de 1 500 sous-unités asymétriques identiques (voir tableau). Ces sous-unités se groupent en 12 capsomères pentagonaux ou pentons , formés de 5 sous-unités et situés aux sommets de l’icosaèdre, et 240 capsomères hexagonaux ou hexons , formés de 6 sous-unités et répartis régulièrement sur les arêtes et les faces (fig. 2). Il y a donc au total 252 capsomères (tableau) qui ont la forme de prisme parcourus par un canal axial. En outre les pentons portent une fibre radiaire longue de 10 à 20 nm et terminée par un renflement en massue (Valentine et Pereira, 1965). L’ensemble de l’édifice moins les fibres a un diamètre d’environ 70 nm.Composition chimiqueLes particules d’adénovirus contiennent environ 87 p. 100 de protéines et 13 p. 100 d’acide désoxyribonucléique (Green, 1963): cet ADN viral répond à la structure bicaténaire décrite par Crick et Watson. Sa masse moléculaire est de 20 à 25 millions (une seule molécule par virion). Selon le type, il contient de 49 à 60 p. 100 de guanine et cytosine (les cellules de mammifères en renferment environ 44 p. 100). L’étude de la répartition statistique des séquences de nucléotides le long de la chaîne par la méthode dite «du plus proche voisinage» a montré qu’elle diffère beaucoup de celle des cellules de mammifères au sein desquelles se développe le virus, tout au moins pour les sérotypes non cancérigènes (Morrison et coll., 1967).L’ADN viral pourrait coder de 25 à 50 espèces protéiques. En fait, on a identifié une douzaine de polypeptides de poids moléculaire s’échelonnant entre 6 500 et 120 000. Les principaux ont été localisés dans les hexons (II), les pentons (III), la fibre (IV), le nucléoïde (V et VII) [Everitt, 1973].Constituants antigéniquesLes particules d’adénovirus contiennent trois constituants antigéniques. Deux sont spécifiques de groupe et fixent le complément en présence de tous les sérums anti-adénovirus (antigène A et antigène B). La troisième fraction (antigène C) est spécifique de type . L’antigène B a un effet toxique sur les cultures cellulaires. Les antigènes B et C ont la propriété d’agglutiner les globules rouges de certains animaux (Rosen, 1958), propriété inhibée par les anticorps spécifiques. Cela a permis de distribuer les adénovirus en 4 sous-groupes: I, agglutinant les hématies de singe (types 3, 7, 11, 14, 16, 20, 21, 23, 28); II, agglutinant directement les hématies de rat (types 8, 9, 10, 13, 15, 17, 19, 22, 23, 24); III, agglutinant les hématies de rat après action d’un immun-sérum hétérotypique (types 1, 2, 4, 5, 6); enfin IV n’hémagglutinant pas (12 et 18).Les antigènes A, B et C se rencontrent également dans les cellules infectées indépendamment des particules virales entières dont on peut les séparer par centrifugation, sous formes d’antigènes dits «solubles». On a pu les isoler à l’état pur par électrophorèse, par chromatographie, par sédimentation dans un gradient de densité, par ultracentrifugation zonale et par gel-filtration. Ce sont des constituants normaux du virus non assemblés en virions et synthétisés en excès par les cellules infectées. L’antigène de groupe A correspond aux capsomères hexagonaux (hexonantigène). L’antigène B correspond aux capsomères pentagonaux (pentonantigène). La fibre, détachée par la trypsine ou le chlorhydrate de guanidine, représente l’antigène C spécifique du type (fibrantigène).Dans certains sérotypes (notamment 3 et 4, Norrby) le penton (base + fibre) n’est qu’une hémagglutinine incomplète active seulement en présence d’un antisérum hétérotypique. L’hémagglutinine complète est formée par un assemblage symétrique de 12 pentons qui rappelle beaucoup la structure de la capside du petit phage 﨏 X 174 (Microvirus monocatena ).Isolement et cultureLe procédé de choix pour l’isolement et la propagation de ces agents est la culture cellulaire in vitro soit sur cellules de lignée continue (He La, Hep2, KB), soit sur cultures primaires de cellules humaines (thyroïde, amnios). La multiplication virale se fait exclusivement dans les noyaux et s’accompagne d’un effet cytopathogène caractérisé par la formation de masses basophiles Feulgen-positives intranucléaires dont l’aspect varie d’un type à l’autre (fig. 3). Les coupes ultrafines de ces cellules examinées au microscope électronique montrent que ces inclusions correspondent à des amas cristallins de particules virales disposées suivant un réseau cubique à mailles centrées (Morgan et coll. 1956). On observe aussi des cristaux de protéines fibrillaires représentant peut-être une matrice sur laquelle s’opère la biosynthèse du virus (Samaille).Virus satellitesDans les cultures de certains adénovirus d’origine humaine ou simienne se développent parfois de très petits virus (20 nm de diamètre) ayant une capside icosaédrique à 12 capsomères et un acide désoxyribonucléique monocaténaire (Melnick, 1965). Ils sont défectifs, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent se multiplier qu’en présence des adénovirus (fig. 4). Ces «virus satellites» sont proches par leur structure des Microviridae (phage 﨏 X 174) et rappellent aussi l’hémagglutinine complète décrite par Norrby. La question d’une communauté antigénique et aussi génétique avec les adénovirus n’est pas résolue.Interaction entre adénovirus et papovavirusRapp, Melnick et leurs collaborateurs (1964-1967) ainsi que Rowe et Huebner (1964) ont montré que, dans certaines conditions une capside d’adénovirus peut héberger aux lieu et place de son génome naturel tout ou partie de l’ADN d’un papovavirus tumorigène du singe, appelé SV 40. Ces particules mixtes dites Para ne peuvent se multiplier qu’en présence de l’adénovirus normal, mais elles rendent possible à leur tour la multiplication de celui-ci sur des systèmes tels que les cellules de rein de singe qui n’en permettent pas habituellement la culture. Le génome SV 40 peut même être transféré de la capside d’un type d’adénovirus à celle d’un autre type. Ce curieux phénomène a reçu le nom de transcapsidation .Rôle pathogèneAdénovirus d’origine humaineTrente-trois sérotypes d’adénovirus d’origine humaine ont été individualisés, responsables, selon Samaille, de 2 à 5 p. 100 des infections respiratoires de l’enfant et de l’adulte: pharyngite aiguë fébrile simple (surtout due aux types 1, 2, 5, 6, plus rarement 3, 7, 9, 19); syndrome pharyngoconjonctival accompagné d’adénopathie cervicale (surtout types 3 et 7); catarrhe fébrile avec toux, céphalées, myalgies, souvent épidémique (types 4, 7, plus rarement 3). Les pneumonies et bronchopneumonies sont heureusement rares (types 7 et 3). Les atteintes oculaires sont également indiscutables: kérato-conjonctivite épidémique due au type 8, conjonctivite folliculaire (types 1, 2, 3, 4, 6, 7, 9, 10, 11, 15, 16, 17, 20, 22) souvent favorisées par des microtraumatismes (conjonctivite des piscines). Les virus peuvent persister très longtemps à l’état latent dans les amygdales, les végétations adénoïdes et les ganglions lymphatiques. La transmission interhumaine se fait par les voies aériennes supérieures.Adénovirus d’origine animaleVingt-quatre sérotypes d’adénovirus ont été isolés chez les primates, presque toujours à l’état de virus latents dans les cultures cellulaires. Le type M 16 (ou SV 17) est à l’origine de pharyngites et de conjonctivites. Le type M 4 (SV 15) injecté dans le cerveau détermine une méningo-encéphalite mortelle. L’agent de l’hépatite canine de Rubarth est un adénovirus. On a isolé des adénovirus qui ne semblent pas pathogènes chez les rongeurs, les bovidés, les oiseaux. Des cultures cellulaires de reins de porc (Mahnel, 1967; Köhler, 1967) fournissent avec une grande fréquence des isolements d’adénovirus latents.Adénovirus et cancerLa découverte, en 1962, du pouvoir oncogène (pour le hamster nouveau-né) des adénovirus du type 12 (Trentin) et du type 18 (Huebner) apporte le premier cas de virus cancérogène d’origine humaine: production de sarcomes et lymphosarcomes dans un pourcentage élevé de cas. D’autres types (3, 7, 21 et 31) ont un pouvoir cancérogène plus faible. Les tumeurs malignes ainsi produites contiennent un néo-antigène tumoral (antigène T) détectable par immunofluorescence, mais pas de virus infectieux ni d’antigènes viraux A, B ou C. Elles sont transplantables. La transformation maligne réussit également en culture cellulaire in vitro. L’antigène T apparaît très précocement, même dans des systèmes cellulaires qui ne permettent ni la multiplication du virus infectieux ni la réplication de l’ADN viral.Applications thérapeutiquesChimiothérapieLes analogues structuraux des bases, nucléosides et nucléotides des acides nucléiques tels que le fluoro-uracile (FU), l’iododésoxy-uridine (IDU ou IUdR), le cytosine-arabinoside (CA), bloquent la multiplication du virus infectieux en culture cellulaire, mais laissent souvent se produire des antigènes viraux (A, B, C) ou tumoraux (T).Vaccination préventiveLe rôle des adénovirus dans les affections respiratoires saisonnières a conduit à de nombreuses tentatives de prophylaxie, principalement par des vaccins inactivés, mais la découverte du pouvoir oncogène des adénovirus ainsi que de leur possibilité de s’hybrider avec des virus cancérogènes, tels que SV 40, ont rendu les chercheurs beaucoup plus circonspects.adénovirus [adenoviʀys] n. m.ÉTYM. 1968; de adéno-, et virus.❖♦ Virus pathogène de certaines affections respiratoires humaines (nom générique). || Plusieurs adénovirus ont une activité cancérigène. || Affection due à un adénovirus ou adénovirose [adenoviʀoz] n. f.
Encyclopédie Universelle. 2012.